Comment faire pour arrêter de procrastiner tout le temps ?

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La procrastination est un phénomène bien connu. Nous savons que nous avons quelque chose à faire. Mais nous ne le faisons pas. Pourtant, il suffirait de pas grand-chose pour s’y mettre, là, maintenant, tout de suite. Nos experts nous livrent leurs conseils et astuces pour arrêter cette mauvaise habitude.

Ranger les papiers ? Demain. Payer cette facture qui traîne ? Remettre à plus tard ce que l’on pourrait faire tout de suite porte un nom : la procrastination. Une façon d’être qui, à la longue et surtout s’il s’agit de choses importantes, peut devenir problématique. “La procrastination est un souci parce qu’elle s’associe à un fort sentiment de culpabilité », insiste le coach Michaël Ferrari. Car au soulagement immédiat suit l’impression douloureuse d’être en faute. Jean-Pierre Soulier, coach et formateur, souligne “qu’il faut souvent bien plus de temps et d’argent pour rattraper les démarches qui n’ont pas été entreprises qu’il n’en aurait fallu pour agir dans les délais. » Il existe heureusement des façons de se motiver à se mettre en marche. Les conseils de nos experts pour s’améliorer.

Pourquoi on procrastine tout le temps ?

« Dans la vie quotidienne, on repousse les choses qu’on n’aime pas ou qu’on n’a pas envie de faire. » explique Jacques Regard, conseiller en développement personnel et consultant en management relationnel. Voici les raisons et les conseils que propose notre expert selon les types de comportement des procrastinateurs :

  • “je suis débordée” : faire une liste des choses à faire en commençant par la moins agréable.
  • “je suis accro à l’urgence” : différencier l’urgent de l’important, et commencer par ce qui est important.
  • “je ne sais pas définir mes priorités” : pour ne pas s’éparpiller, déterminer ses buts et ses priorités, et achever une tâche avant d’en entamer une autre.
  • “je ne sais pas m’organiser” : j’apprends à mieux gérer mon temps, en établissant une liste avec des priorités et en biffant chaque tâche effectuée.
  • “je suis perfectionniste” : devenir plus performant en acceptant de ne pas être parfait. »

Décortiquer ses comportements pour repérer quand on procrastine

« La procrastination n’est pas un trait de personnalité, c’est un comportement qui prend sa source très loin, dans notre enfance, notre histoire familiale, rappelle Jean-Pierre Soulier. Pour l’enrayer, encore faut-il l’identifier. » Or, la procrastination est versatile, changeante. On peut remettre au lendemain dans sa vie professionnelle ou personnelle, on peut ne pas réussir à se décider pour de toutes petites choses comme pour des événements majeurs. Et notre capacité à nous leurrer, à être dans le déni comme à nous excuser est infinie.

Pour éviter que ce comportement ne perdure, Michaël Ferrari suggère de prendre des notes : à quel moment et dans quelles circonstances nous procrastinons ? Pour quelles raisons ? Et quelles sont nos explications ? Ce temps d’analyse nous sera utile pour ensuite donner du sens à nos actions et retrouver la motivation dont nous manquions.

Projeter les conséquences à long terme pour vaincre la procrastination

C’est souvent à cause d’une vision à court terme que l’on est tenté de remettre à plus tard une tâche qui, sur le moment, nous paraît fastidieuse. « Pour nous motiver, il est important de seprojeter dans le temps, en listant tous les avantages à la réaliser, ou les inconvénients à ne pas le pas le faire », note Shékina Rochat. Si on sent par exemple un début de gêne au niveau d’une dent, prendre tout de suite rendez-vous chez le dentiste peut nous éviter des soins plus longs et plus coûteux que laisser la situation se dégrader. De même, repousser le moment de payer ses factures ou de remplir sa déclaration de revenus, c’est risquer des pénalités de retard, des courriers à l’administration fiscale… 

Ne pas fixer la barre trop haut

« Donnez-vous des objectifs modestes et proches pour gagner en assurance, dit Michaël Ferrari. Les bénéfices potentiels à long terme d’une action sont moins stimulants que ceux que l’on peut espérer à court terme. Et autorisez-vous à échouer ! » Les premières tentatives ne marchent pas ? Plutôt que de se dire “C’est fichu pour moi !”, observez-vous, décortiquez ce qui n’a pas fonctionné, regardez ce que l’expérience vous a apporté. Et passez à un autre exercice plutôt que de renoncer.

Avancer pas à pas

Il est donc essentiel de ne pas nourrir d’illusions sur sa révolution et d’accepter d’avancer à petits pas. Michaël Ferrari conseille de prendre le temps de découper l’action que nous reportons en tranche, étape par étape, en s’interrogeant à chaque articulation sur ce que nous devons faire pour la réaliser. « Quand nous procrastinons, note-t-il, on reporte souvent l’action parce que l’on a l’impression de ne pas ou de ne plus savoir comment s’y prendre. On ne voit pas, tout simplement, comment faire. Détailler le plus précisément comment on devrait procéder permet de s’écarter de la vision globale qui nous angoisse et de revenir au concret, plus facilement accessible par notre cerveau paralysé. Ensuite, le chemin se dessine aisément. »

Lutter contre la procrastination en segmentant les problèmes

Se fixer plusieurs objectifs sur une seule journée conduit le plus souvent à n’en attaquer aucun ! Règle n° 1 pour lutter contre la procrastination : « Prioriser ses objectifs et commencer par ceux qui sont les plus urgents tout en présentant le moins de difficultés et de pénibilité », conseille le Pr Antoine Pelissolo. Autrement dit, commencer par ce qui “rapporte” le plus et “coûte” le moins. Règle n° 2 : « Si la tâche est de grande ampleur, il est essentiel de décomposer les actions les plus lourdes en sous-actions plus faciles à réaliser. » Si l’objectif est par exemple de ranger la chambre, on peut commencer par mettre de l’ordre dans un tiroir, puis un autre, puis une étagère… « Cela permet de ne pas trop se poser de questions quand on est dans l’action puisque la tâche est bien définie, d’obtenir une réelle satisfaction à chaque fois qu’un sous-objectif est rempli, donc se sentir valorisé, ce qui renforce la motivation et la confiance en soi. » 

Combattre les mauvaises habitudes en adoptant la méthode des “rounds”

Si notre détermination à réaliser une tâche est très fragile, le Pr Pelissolo suggère de découper le temps en périodes assez brèves, comme les rounds d’un match de boxe : « Mais pendant ces périodes, qui peuvent être de 10 minutes par exemple, on ne fait rien d’autre que la tâche prévue, et on se met à l’abri de toutes les sollicitations possibles, comme le téléphone ou l’ordinateur. » Lorsque ce round est terminé, on peut choisir d’enchaîner tout de suite une nouvelle session de 10 minutes si l’on se sent d’attaque : « Ou alors s’accorder un répit en faisant autre chose, mais en évitant les activités qui risquent de nous faire dériver trop longtemps de notre mission principale, comme un jeu dont on a du mal à décrocher. » 

Instaurer des routines pour aider à s’en sortir

L’accumulation de corvées conduit très souvent les procrastinateurs à des cas où ils laissent tout laisser tomber et se disent qu’on “verra ça demain”. Pour Shékina Rochat, l’une des stratégies clé est d’intégrer ces corvées dans une routine : « En les planifiant à un moment et sur une durée définis à l’avance, on se pose moins la question de savoir si et quand on les fera : on le fait. Point. » Si c’est possible, l’idéal est même de les programmer le matin : « Moment de la journée où le contrôle de soi et le niveau de volonté sont généralement les plus élevés. » On peut par exemple décider de ne trier ses mails qu’entre 9 h et 10 h, sauf en cas d’urgence bien sûr, de ne faire le ménage ou les courses que le samedi matin… Un conseil à ajuster évidemment en fonction des capacités que l’on se connaît : « Certaines personnes étant plus efficaces à d’autres heures de la journée, voire le soir », ajoute le Pr Pelissolo. 

Comment faire appel aux émotions positives pour arrêter de procrastiner ?

Si on procrastine certaines tâches, c’est parce qu’on ne les perçoit que sous leur aspect négatif. Il est important de motiver les procrastinateurs. « Pour les rendre plus enthousiasmantes, on peut essayer de rechercher ce qui pourrait s’avérer un tant soit peu plaisant dans ces activités, et de focaliser son attention là-dessus », dit Shénika Rochat. Pour cela, elle suggère d’y associer des émotions positives. Par exemple, la fierté de s’être enfin occupé de refaire sa carte grise perdue ou de monter ce meuble en kit. « Associer un tiers peut aussi rendre l’activité plus agréable ou amusante, et dont la motivation viendra soutenir la nôtre au cas où elle viendrait à flancher. » Ainsi, une copine pour aller marcher ou courir plus régulièrement. 

Songer à des “modèles”

« Convoquer virtuellement des personnes particulièrement motivées par le genre d’activités que l’on procrastine soi-même par ennui, ou des personnages comiques, et imaginer ce qu’elles feraient à notre place peut aider à percevoir la situation d’un œil nouveau, plus plaisante, plus drôle », signale Shékina Rochat. Comment agirait par exemple Bree Van de Kamp, la célèbre ménagère de la série Desperate Housewives, si elle devait ranger le bazar accumulé dans notre maison ? Ou Valérie Lemercier si elle devait aller à la déchetterie ou trier ses papiers ? « De nous en inspirer peut, au final, nous faire découvrir des ressources insoupçonnées pour nous motiver à y faire face. » 

Comment faire pour ajouter du défi à nos tâches pour ne plus procrastiner ?

« Transformer en défi des petites tâches faciles que l’on remet systématiquement à plus tard aide parfois à les rendre plus stimulantes », note Shékina Rochat. S’il faut par exemple descendre des cartons à la cave, essayer de faire grincer le moins possible les escaliers. S’il faut plier le linge, chercher des tutos qui proposent des techniques originales. « Utiliser nos forces de caractère est un autre moyen très efficace de rendre une tâche plus stimulante et, ainsi, de nous motiver à l’accomplir. » Si notre force est par exemple la créativité et que l’on doit rédiger un dossier, on peut ainsi fignoler la mise en page avec des couleurs, des polices de caractères différentes, des graphiques, y insérer des jeux de mots que les autres ne verront pas forcément, ou encore le conclure avec des pistes de réflexion innovantes. 

Apprécier sa notion du temps

Procrastiner a toujours existé. Cependant, aujourd’hui plus encore qu’avant, les moyens dont nous disposons pour remettre au lendemain se sont multipliés. « Mails, tweets, Facebook… Il est désormais très simple de s’évader dans le virtuel, explique Michaël Ferrari, même si cela n’est qu’un symptôme de notre mal. » Il convient donc de se méfier de notre propre perception du temps. « Même pour les tâches que nous connaissons bien, nous avons tendance à sous-estimer le temps dont nous avons besoin, constate Michaël Ferrari. Multipliez le temps dont vous pensez avoir besoin par deux ou par trois pour réaliser telle ou telle chose qui vous pèse ou que vous avez l’habitude de reporter. »

Développer son attention

Comme le souligne Jean-Pierre Soulier, la procrastination génère souvent une sensation de stress qui accentue notre impression de dispersion. Pour se recentrer dans l’instant présent et être en condition de passer à l’action, le coach invite à pratiquer régulièrement dans la journée un exercice de respiration pendant trois minutes.

Debout ou assise, yeux fermés, on concentre notre attention sur notre respiration tout en posant une main sur le ventre. L’idée ? S’assurer de bien le gonfler lorsqu’on inspire. On prend quatre inspirations profondes puis on respire normalement sur deux ou trois temps. Des pensées apparaissent ? On les laisse venir sans jugement puis on se reconcentre sur sa respiration. Dès que l’on se sent bien ancrée dans le moment que l’on vit, on peut rouvrir les yeux et reprendre le cours de sa journée.

Les fausses bonne idées

Tenir à distance ses outils numériques. Lorsqu’une tâche importante nous attend, éteindre son portable ou enfermer son ordinateur dans un tiroir est utile au début mais loin d’être suffisant : « Pour une personne qui a un fort penchant à procrastiner, n’importe quelle autre activité peut être une source de distraction, même la plus improbable comme enlever les peluches sur ses pulls ou astiquer l’argenterie, note Shékina Rochat. Or, il est impossible de toutes les éloigner. »

Viser la perfection. « Cette tendance ne peut que freiner, voire paralyser toute action, du début à la fin, insiste le Pr Pelissolo. Il est au contraire important de se dire que l’on ne parviendra pas à tout faire parfaitement, mais que tout ce qui sera fait sera un pas vers notre satisfaction. »

Abuser du mode “urgence”. Se fixer soi-même un délai impératif à ne pas dépasser peut permettre d’augmenter sa productivité quand les choses ne fonctionnent pas assez bien : « Mais attention à ne pas en abuser, car cela peut engendrer un niveau de fatigue et de stress excessif, dit le Pr Pelissolo. Mieux vaut essayer d’alterner des périodes d’organisation normale avec des plages de rush intense. » 

Pour aller plus loin lire les livres suivant :

  • Vaincre la procrastination, Shékina Rochat, éd. Mardaga, 19,90 € (janvier 2022) ;
  • Vous êtes votre meilleur psy !, Pr Antoine Pelissolo, éd. J’ai Lu, 7,80 € ;
  • Stop à la procrastination, c’est malin, Michael Ferrari. 6 €, éd. Leduc.s ;
  • J’arrête de procrastiner, Diane Ballonad-Rolland. 11,90 €, éd. Eyrolles ;
  • La procrastination, Jean-Pierre Soulier. 6,95 €, éd. Larousse.

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